L’équipe pédagogique est constituée, en vue d’un effectif d’environ 15 étudiants, de :
- Antoine Viger-Kohler, architecte DPLG, enseignant (responsable)
- Antoine Barjon, architecte DPLG, enseignant
- Géraldine Viellepeau, architecte DPLG, enseignante
L’offre pédagogique de cet enseignement de projet pour le premier semestre du cycle de Master porte sur l’apprentissage du projet d'architecture à l’échelle du territoire.
Si l’on distingue en général l’architecture (l’édifice) et le contexte (l’étendue, l’environnement, la Terre), l’une faisant l’objet d’un projet et l’autre servant de toile de fond, cet enseignement propose plutôt de considérer ce contexte comme un sujet de conception en tant que tel.
La pédagogie dispensée au cours de ce semestre propose donc de simplifier les problématiques en les décomposant. Cela passe tout d’abord par l’apprentissage « des échelles » et de la façon d’opérer la reconnaissance de sujets et de problématiques architecturales spécifiques. Trois grands ensembles thématiques sont abordés par le projet : le sol, le temps et la ressource. Chacune à leur manière, ces notions interrogent les thématiques essentielles de l’architecture (site, programme, climat, matière, construction, intériorité et extériorité, usage, etc.).
La transformation du sol
La notion de sol est sans doute la plus absente de la pensée architecturale et de son enseignement.
Pourtant, la période moderne en a profondément modifié la structure si bien que le sol est aujourd’hui une interface centrale dans le fonctionnement de la « zone critique » (Bruno Latour) où se joue l’habitabilité de la Terre. L’aménagement des sols urbains a été en très grande partie dominé par une approche technique et fonctionnaliste qui suivait une logique infrastructurelle détachée des problématiques architecturales et paysagères.
L’enseignement du semestre s’attache à ce que les étudiant.e.s puissent retisser ensemble les deux logiques de l’infrastructure et de l’architecture afin de retrouver des outils pour penser et concevoir une architecture du sol urbain. Cette démarche conduit les étudiant.e.s à structurer leur réflexion sur les situations contemporaines les plus vives qui questionnent l’inconscient des infrastructures ; qu’elles soient rattrapées par l’urbanisation ou simplement frappées d’obsolescence.
Ce chemin conduit les étudiant.e.s à changer de paradigme pour repenser l’acte d’aménagement comme une transformation du sol utile aux êtres vivants, pour une écologie du sol devant altérer au minimum le fonctionnement de la zone critique planétaire. Il s’agit bien de considérer le sol, non plus uniquement comme une pellicule inerte mais comme un milieu vivant épais, tellurique et atmosphérique, animé de processus géologiques, pédologiques, hydrologiques, climatiques avec lesquels il s’agit d’œuvrer.
L’enseignement dispensé portera une attention nouvelle à l’espace public. D’abord parce que l’espace public apporte une part significative des réponses aux défis qui conditionnent le futur de nos villes : celles de la construction de la vie en commun et de la civilité, de la continuité et de la cohésion des territoires, de l’accueil et de la disponibilité pour des usages en constante mutation, de l’adaptation aux exigences climatiques et sanitaires, de la cohabitation entre usages humains et présence du vivant non-humain.
Mais aussi parce que l’espace public offre un terrain d’action propice au déploiement d’une pensée qui articule nécessairement permanence et impermanence. L’espace public est en prise avec de multiples enjeux culturels, sociétaux et techniques qui évoluent constamment. L’évolution des mobilités, le changement climatique, la place des femmes, l’informel, etc. conditionnent et réintérrogent en permanence l’usage et l’aménagement de ces espaces qui sont au centre de l’équilibre fragile de nos sociétés.
La prise en compte du temps
La notion de temps couvre toutes les dimensions de l’architecture. Il s’agira donc, avec les étudiant.e.s, de mettre en exergue la prise en compte du temps dans le projet pour développer une pensée de l’incertitude et de l’impermanence.
Travailler avec l’échelle de la ville ou du territoire suppose de mettre au point avec les étudiant.e.s des modes d’anticipation et d’inventer des modes de représentations où le futur n’est pas considéré comme un horizon immobile. Pour la conception de projets qui mobilisent le temps long, les étudiant.e.s seront amené.e.s à explorer des voies qui ne se focalisent pas sur l’état spatial « à terme » d’un territoire mais plutôt sur le chemin qui permet d’y conduire. Cela les oblige à inscrire leur action en commençant par la connaissance de l’état présent et sa généalogie (historique et géologique) mais aussi à explorer les modes de récit de l’urbanisme ; construire le futur étant intrinsèquement lié à la manière de le raconter.
La mobilisation de la ressource
A priori, la notion de ressource renvoie à l’échelle territoriale. Elle peut concerner la gestion de l’énergie, la qualité des sols, la circulation des déchets, la localisation des circuits alimentaires, les filières économiques et productives locales, etc. Elle permet de faire prendre conscience à l’étudiant·e de la nécessaire mise en place de nouvelles coalitions entre les forces organisatrices du territoire pour engager une transition vers des modèles de développement humain en lien avec la condition terrestre.
Mais cette thématique recharge également l’enseignement à l’échelle de l’édifice, par une approche qui prolonge et complète le socle culturel d’acquisitions fondamentales liées au type et à la forme en architecture.
La construction et plus globalement l’utilisation de la matière représente un levier d’action significatif pour agir sur la limitation des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Et, il est pour le moins inquiétant de constater, dans le monde professionnel, la manière dont ce sujet fait l’objet d’une approche réductrice, essentiellement technique ou technologique, déconnectée des enjeux spécifiquement architecturaux. Les étudiant·e·s seront amenés à déployer une approche climatique ambitieuse pour qu’elle soit au cœur du processus de conception du projet architectural. Cette approche implique de mobiliser les ressources culturelles dont nous disposons pour continuer à développer des formes et des types architecturaux économes en énergie et capables de connaître plusieurs vies. Penser l’économie de la Terre nous renvoie également à la nécessité de porter un intérêt renouvelé aux modes constructifs et à la matière que nous utilisons et transformons. Il est plus que jamais nécessaire que la pensée constructive ne soit pas détachée de l’enseignement du projet architectural.